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vendredi 21 janvier 2011

[DIVERS] Top 3 des jeux vidéo marquants de la décennie



Tout d'abord, un grand "bonne année 2011" mais aussi un grand "oups". Une bonne année parce que nous sommes encore en janvier et que c'est mon premier billet de l'année... et un grand "oups" parce que c'est peut-être mon premier billet de l'année mais aussi le premier depuis bien longtemps, trop longtemps...
Bref, je vais vous épargner les détails mais sachez que même si je n'écrivais plus, je continuais de vous lire (même si je ne postais pas non plus de commentaires...). La preuve, c'est en lisant le blog de sieur Bababaloo que j'ai eu vent du concours organisé par PriceMinister. Mais je vous le dis tout de suite, ils sont fous chez PriceMinister. Ils lancent un concours très intéressant sur les jeux vidéo, mais voilà, il est aussi et surtout très restrictif, c'est aussi ce qui fait son charme je l'avoue.

Voici l'intitulé du concours :
Le principe est simple: rédigez un billet sur votre blog décrivant une sélection de 3 jeux sortis dans la période 2000-2010, sans distinction de support, et qui ont selon vous durablement marqué l'histoire du jeu vidéo. 
Autant dire que la tâche s'avère relativement rude (Van Nistelrooy ?... désolé, j'ai pas pu m'en empêcher).
Pour ma part, je suis parti sur l'idée de vous parler de trois jeux qui ont marqué l'histoire du jeu vidéo en sachant créer de l'émotion, et vous allez voir que la sélection est assez hétéroclite (comme dirait Ramzy, "L'hiver éclate et l'été... roclite").


L'un des points intéressants avec les jeux capables de susciter de l'émotion chez les joueurs, c'est qu'ils ont l'avantage d'avoir des thèmes très variés puisque différentes émotions peuvent être suscitées et généralement les jeux ne jouent pas sur plusieurs registres, ce qui fait qu'ils sont très "marqués". Mon premier choix, chronologiquement parlant, s'est porté sur... suspense et roulement de tambours...



(2001)


Je commence donc par ce jeu de Konami, sans doute le meilleur épisode de la série d'ailleurs, celui qui a réussi à transcender ce qui avait été débuté avec maestria dès le premier et qui est devenu UN monument du jeu vidéo, et je pèse mes mots.

"Silent Hill 2" est un exemple sur de nombreux points mais ici nous n'allons en retenir qu'un seul et unique, celui des émotions créées chez le joueur. "Silent Hill 2" commence sur une scène d'ouverture magnifique. James Sunderland est le héros malgré lui (mais aussi volontaire, d'une certaine manière mais évitons d'en dévoiler trop, on ne sait jamais, vous ne l'avez peut-être pas encore fait et ça serait dommage de vous "spoiler") de cette aventure qui se révélera rapidement être une mésaventure. James arrive à Silent Hill parce qu'il a reçu une lettre de sa femme, Mary, qui lui demande de le rejoindre ici... mais sa femme est morte depuis 3 ans... voilà pour le début de cette histoire, début qui pose déjà les bases de ce que Silent Hill sera.

Et cette première vision du monde de Silent Hill et de son histoire est renforcée par les graphismes, impressionnant pour l'époque, rehaussés par l'utilisation d'un filtre appliqué sur la caméra qui donne alors une image crasse et vieillie, provoquant déjà une impression de malaise (et c'est en terminant le jeu et en ayant la possibilité de désactiver ce filtre qu'on se rend alors compte de ce que le jeu aurait perdu sans celui-ci). Le tout est soutenu par l'ambiance générale, ambiance malsaine et sombre, dans laquelle le brouillard est un acteur majeur. En effet, contrairement au premier opus où le brouillard était là notamment à cause des limitations techniques de la Playstation première du nom, il joue dans ce deuxième épisode encore une fois un rôle prépondérant et c'est fois cela est complètement voulu par les développeurs. Il est partout, il s'infiltre partout, il noie les rues, il noie James et toute la ville qui se retrouve comme coincés dans cette nasse poisse ! C'est en grande partie ce brouillard qui va provoquer ce sentiment de malaise, grâce à la profondeur de champs et à la vision réduites qui font que chaque son provoque le trouble, la peur et l'envie de fuir...

Silent Hill est peut-être une ville sans vie mais c'est aussi une ville où la mort se trouve à chaque coin de rue, de couloir. Elle est présente sous de multiples formes et notamment sous la forme de monstres que l'on peut tuer mais qu'il vaut mieux éviter par peur de manquer de munitions... Pour couronner cette ambiance, le rythme du jeu est lui aussi saccadé avec des temps morts qui laisse dans le doute et qui, alors qu'on pense être finalement à l'abri, laisse place à l'horreur.

Et enfin, il reste toute l'histoire : l'allégorie entre le joueur et 'Pyramid Head', la mort de Mary, Maria qui est une des rares personnes en vie dans Silent Hill et qui est le sosie de Mary, la descente irrémédiable aux enfers au sens propre comme au sens figuré de James et du joueur, et enfin la révélation finale qui fera comprendre au joueur pourquoi James est là et pourquoi tout cela lui arrive.

Pour tout ça et donc pour son ambiance, SH2 a été un des jeux de cette décennie, marquant pour moi un tournant ou plutôt une apothéose dans le jeu d'horreur, horreur psychologique que peu de jeux réussiront à recréer ensuite, y compris dans les suites de la franchise, malheureusement...







(2005 au Japon et aux USA, 2006 en Europe)


La Team ICO, aussi connu sous le nom de la "team olympique" pour ses développements qui duraient 4 années pleines (enfin jusqu'à maintenant puisque le développement de leur petit dernier, "The Last Guardian", a déjà bien dépassé ce délais), a sorti une autre ôde onirique 4 ans après un premier chef d'oeuvre qui aurait pu faire parti de mon top 3. "Shadow of the Colossus" est donc le deuxième jeu de la Team ICO, et comme pour "ICO", il s'agit ici d'un jeu événement qui a marqué d'une pierre blanche, pour moi en tous les cas, l'Histoire du jeu vidéo.

L'introduction de "Shadow of the Colossus" est simple, efficace et surtout de toute beauté ! Pour sauver celle qu'il aime, un homme se rend dans un sanctuaire dont l'accès n'est possible qu'après avoir traversé un pont gigantesque (colossal serais-je tenter de dire). Arrivé dans ce sanctuaire, il dépose la dépouille de sa femme sur l'autel et là, une voix rauque, gutturale, se fait entendre et lui dit que le seul moyen de sauver sa bien-aimée est de terrasser les colosses qui vivent dans ces lieux. Et vous voilà alors parti sur des terres gigantesques, vides de toute vie ou presque (des lézards traînent de-ci de-là), à la recherche de ces colosses. Équipé d'un arc et d'une épée (qui a la faculté de refléter les rayons du soleil uniquement dans la direction que vous devez prendre, pratique comme GPS même si c'est un peu encombrant), vous chevauchez Agro, votre fidèle destrier et votre compagnon d'infortune.

Ce qui marque d'abord, c'est la beauté des environnements, les détails apportés dans tous les recoins du jeu, puis vient le moment où l'on chevauche Agro, et là, on se rend compte que ce cheval est terriblement bien animé. L'empathie vis à vis d'Agro va fonctionner à plein puisque, en plus d'être si réel, il est aussi le seul être à qui vous pouvez vous raccrocher durant toute votre quête, le seul qui peut vous aider et le seul qui vous suit, quoiqu'il arrive. Sans Agro, la traversée de ces plaines serait longue et triste, sans Agro, certains colosses seraient impossibles à abattre, sans Agro, vous seriez seul... Vous sortez du sanctuaire, vous montez sur Agro, vous dégainez votre épée à la recherche du rayon de lumière qui va vous donner la bonne direction et vous chevauchez jusqu'à une barre rocheuse. Obligé d'abandonner Agro au pied de celle-ci, vous vous mettez à escalader cette paroi. Vous arrivez finalement sur le plateau surplombant la plaine où Agro boutre tranquillement, et vous découvrez le premier colosse, immense, majestueux, paisible et apparemment pacifique. Il semble fait de pierres mais de la fourrure apparaît à certains endroits de sa gigantesque carcasse. Seul ses yeux semblent "vivants", si brillants et si beaux.

Et voilà que se pose un dilemme que certains joueurs se sont posés. Je me souviens d'ailleurs d'un test incroyable paru dans la presse de l'époque (si quelqu'un a une version papier ou scannée dudit test, je suis preneur) où le testeur, JaY il me semble mais je peux me tromper, nous expliquait qu'il avait dû lutter contre lui même et n'avait pas pu, pendant plusieurs longues minutes, jouer et se décider à tuer le colosse car il ne voyait pas pourquoi il devait faire ça. Eh bien, j'ai été dans le même cas... Je me suis retrouvé comme deux ronds de flan devant ce colosse, sublime, gigantesque et pourtant si fragile. Ueda et toute son équipe ont réussi ce pari un peu fou de mettre le joueur en porte-à-faux, laissant ce dernier seul juge de ce qu'il doit faire mais sachant très bien qu'il devra, s'il veut continuer le jeu, se lancer dans cette quête si injuste... Ce sentiment de compassion pour les colosses se fait ressentir tout au long du jeu, à chaque fois que l'on observe ces statues vivantes, si imposantes et si inoffensives, qui ne font rien de mal, se laissant vivre au soleil sur ces parcelles de terre qui sont apparemment leur territoire. Cette compassion se mêle aussi à l'injustice que l'on ressent... Tuer des colosses pour sauver sa bien-aimée...

Bref, vous l'aurez compris, "Shadow of the Colossus" m'a touché, m'a marqué, et il y aura un avant et un après "Shadow of the Colossus" pour moi. J'attends donc avec impatience "The Last Guardian" et je sais déjà que je pourrais patienter un petit peu en me faisant les remakes de "ICO" et de "Shadow of the Colossus" sur PS3 dans un coffret intitulé "The Team ICO collection", dont la sortie est prévue pour le premier trimestre 2011.







(2009 sur le PSN)


Après Fumito Ueda (et également quelques autres noms du jeu vidéo), Jenova Chen a réussi à se faire une place dans mon coeur de gamer grâce à ses jeux dont "Flower" est probablement celui qui aura réussi à me faire ressentir beaucoup de chose, et pourtant le postulat de départ ne le laissait pas présager puisqu'on y incarne un pétale de fleur...

Le but de Jenova et de TGC (thatgamecompany) est de faire des jeux vidéo qui apportent des émotions et une expérience que tous les autres jeux vidéo disponibles actuellement sur le marché n'apportent pas. Ils encouragent ainsi l'innovation et l'expérimentation et ils espèrent que leurs jeux pourront toucher une audience jusque là rester à l'écart du jeu vidéo.

TGC avait déjà été à l'oeuvre sur "flOw" (sorti sur le PSN pour la PS3 et la PSP) et ils ont récidivé avec "Flower". Nous ne pouvons pas parler ici de jeu vidéo au sens traditionnel du terme. Pour moi, et pour beaucoup de gens, il s'agit avant tout d'une expérience, une expérience nouvelle qui se vit Sixaxis en main. Tout d'abord, il faut noter que vos seuls contrôles seront les mouvements que vous donnerez à votre manette et qui serviront à donner la direction que prendra votre pétale de fleur et un bouton vous permettra de doser la vitesse du vent. Car voilà, ce "jeu" vous fait incarner un pétale de fleur poussé par les vents, pétale de fleur qui fait éclore toutes les fleurs qu'ils touchent et bien plus encore.

L'aventure commence de manière un peu inattendue puisque vous êtes dans un appartement. Une plante trône sur une table mais est loin d'être en grande forme... Chaque niveau est représenté par une plante différente et à la fin de chaque niveau, votre plante aura repris des forces. Mais voilà, "Flower" ne consiste pas uniquement à remettre en état des fleurs... Oh non ! Chaque fleur est un prétexte à l'évasion. D'ailleurs, on peut interpréter chaque niveau comme le rêve de la fleur (le fondu fait au moment de la sélection du niveau peut le laisser penser en tout cas), fleur qui a besoin de se ressourcer et de retrouver la nature lointaine qu'elle ne voit plus depuis qu'elle est dans un pot. Mais non, ça ne suffit toujours pas à résumer "Flower".

Vous êtes ce pétale de fleur, vous redonnez la vie autour de vous et les deux premiers niveaux sont bucoliques à souhait et sont vraiment des niveaux très zen et très détendus et on prend réellement plaisir à virevolter et à faire fleurir tout ce qui traîne. Mais "Flower", c'est aussi cette sensation et ces émotions ressenties. Comme dit, les deux premiers niveaux sont remplis de joie de vivre et de béatitude mais cela change au fil des niveaux et les émotions que l'on ressent changent alors... "Flower" joue avec nos émotions d'une manière incroyable et réussit le tour de force de nous amener là où on ne l'aurait pas penser avec comme seul fil conducteur, comme seul histoire, ce pétale transporté par le vent.

Loin d'être aussi simplet que l'on pourrait le penser, "Flower" communique également un message qui vous arrive en pleine poire sans que vous n'ayez rien demandé. Je me suis réellement laissé prendre par ce conte (voilà qui définirait assez bien "Flower" en fait, un conte vidéo) et j'en suis ressorti changé comme si, enfin, le jeu vidéo pouvait être autre chose.

Que dire de "Flower" si ce n'est que c'est une expérience tellement inhabituelle qu'on ne peut que se laisser happer par ce coup d'audace et de génie. Ne vous attendez pas à jouer mais préparez à vous à vivre quelque chose de différent. C'est ça "Flower" et c'est ça que fait que j'attends "Journey", le nouveau TGC, avec fébrilité car je ne vois pas comment TGC pourra renouveler l'exploit réussi avec "Flower", mais je ne demande qu'à être surpris !




Conclusion : Trois jeux, dont les sorties sont d'ailleurs plutôt bien réparties sur la période (je n'aurais presque pas pu faire mieux), trois systèmes de jeux, trois schémas de sentiments et d'émotions, et pourtant trois pierres angulaires du jeu. Ils m'ont marqué, ils vous ont peut-être marqué, mais ils ont aussi marqué les médias et l'Histoire du jeu vidéo, à mon humble avis de "petit gamer". Je pense que ces jeux m'ont aussi "construit" et c'est pour cela qu'ils sont importants à mes yeux. J'espère que vous avez, vous aussi, des jeux "marquants", "importants". Si c'est le cas, n'hésitez pas à partager vos expériences (ici en commentaire, sur votre blog, avec vos amis), car c'est aussi ça le jeu vidéo, une expérience à vivre, à partager, à transmettre.


Addendum : Pour rester dans le thème des émotions, j'aurai évidemment pu mentionner "Heavy Rain" (le jeu qui a réussi à me faire réfléchir à mes actes et leurs conséquences), "ICO" (le premier jeu de Ueda qui arrive à créer une empathie avec les personnages sans une seule ligne de dialogues compréhensibles par le joueur), "Resident Evil : Code Veronica" (qui a réussi à recréer sur DreamCast l'horreur "brute" que l'on avait connu lors des premiers RE), "In Memoriam" (dont le côté transmédia a réussi à en faire flipper plus d'un grâce notamment au SMS envoyé par le tueur du jeu directement sur le téléphone personnel et bien réel du joueur) et tant d'autres, tant d'autres... Et en dehors des émotions, je citerais le premier "Gran Theft Auto" en 3D, "Jak & Daxter", "Halo", "Rez", "Uncharted 1 & 2" et je vais m'arrêter là parce quand on est joueur, on ne peut pas se limiter ˆ.ˆ


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/me en a bavé pour en trouver uniquement et seulement 3... c'est pour ça qu'il y a un petit "addendum" ^.^

Billet posté le 21 Janvier 2011

vendredi 6 mars 2009

[DIVERS] Interviews de Jenova Chen (thatgamecompany)



Afin de compléter quelque peu mon précédent test de Flower, je vous propose de lire une interview de Jenova Chen, interview menée par Eric Simonovici du site Overgame.com dont je ne connaissais pas l'existence, honte sur moi, avant d'avoir écouté le dernier podcast "Silence, on joue" de LibéLabo (podcast dans le lequel on retrouve Erwan Cario, journaliste à Libération, Clément 'Raggal' Apap, fondateur de Gamekult, ou bien encore Patrick Hellio du site Eurogamer.fr). D'ailleurs, je vous conseille à la fois le podcast de LibéLabo, qui est totalement différent de celui de Gameblog, et le site Overgame.com que j'ai découvert tout récemment donc et qui est vraiment intéressant dans son approche et surtout dans ses articles.

Parlons maintenant un petit peu de cette interview et de Jenova Chen. Jenova Chen est le fondateur de thatgamecompany, studio qu'il a créé avec Kellee Santiago en sortant de la fac. Jeune (20 ans à peine), il a une vision assez différente du média jeu vidéo et c'est cette vision qu'il nous apporte, avec tous les membres de TGC, avec des jeux comme Cloud (ci-contre) qui était en fait un projet de fin d'étude, ou avec des jeux comme flOw (image en haut à gauche) et maintenant Flower. Il y parle des jeux indé, fait des comparaisons audacieuses avec le cinéma, explique le public visé par des jeux comme Flower. Bref, c'est très intéressant de voir comment il perçoit l'avenir de ce média si jeune et pourtant déjà si enfermé dans ses genres existants et si refermé sur lui-même, n'osant plus vraiment innové... (évidemment, des jeux comme Braid ou Flower montrent la voie vers un autre jeu vidéo).


Interview de Jenova Chen chez Overgame : 1ère partie

2nde partie


Interview de Jenova Chen chez "Tale of Tales" : Interview en anglais





Mise à jour du 16 Septembre 2009 :

Comme le site d'Overgame est un peu décédé et que le nouveau Overjeu n'a pas toutes les archives d'Overgame, je me permets de copier-coller leur très bonne interview aussi.




Sorti il y a peu de fac jeu vidéo, le jeune designer de flOw et du prochain Flower a les idées bien arrêtées : pas question de "gâcher sa vie", Jenova veut être de ceux qui "poseront la première pierre". Entretien engagé avec l'un des fers-de-lance du mouvement indé.

Overgame : On parle de beaucoup de types de jeux différents actuellement, hardcore, casual... Qu'as-tu essayé de faire avec Flower ?

Jenova Chen : N'utilise même pas ces mots... Pense au jeu vidéo en termes de divertissement. Et qu'est-ce que c'est que le divertissement ? C'est les sentiments, l'émotion. Si tu as soif, tu vas boire, n'est-ce pas ? Si tu as faim, tu vas manger. Et les types de nourritures et de boissons à notre disposition ont évolué en même temps que nous, que notre désir naturel de goûter à des choses toujours plus sophistiquées. Il y a très longtemps, les hommes étaient organisés en tribus, constamment menacés par les animaux sauvages. A ce moment-là, les gens voulaient se sentir en sécurité, au chaud, et c'est pourquoi ils se rassemblaient autour du feu et ils dansaient. C'était ça leur divertissement.

Est-ce que tu es en train de me dire que nous sommes les hommes des cavernes du jeu vidéo actuellement ?
Non, non. Ce que je veux dire, c'est que nous avons toujours eu le désir de ressentir des choses différentes. Et si tu étudies les formes mûres de média telles que le cinéma, la littérature ou la musique, elles balaient toutes un spectre étendu de genres et ont toutes quelque chose à offrir à tous les individus, quel que soit leur âge, leur sexe ou leur humeur. Actuellement, le problème du jeu vidéo est que c'est un médium qui a démarré comme marché destiné aux jeunes, donc la plupart de la production offre un contenu émotionnel qui leur est destiné, très basé sur l'instinct : le désir de pouvoir, la vitesse, l'addiction... toutes ces sensations très viscérales. Mais quand tu deviens plus vieux, tes goûts et tes besoins émotionnels changent.

Tu n'as pas l'air très vieux pourtant ?
Je suis certainement assez vieux pour ne plus vouloir jouer à des FPS. Je joue depuis que j'ai 10 ans et j'en ai tellement assez des jeux actuels et de leurs thèmes. Tu peux créer un FPS qui soit très innovant mais généralement, ils se ressemblent tous.

Qu'est-ce que tu ressens lorsque tu joues à un FPS ?
Très puissant, surexcité, très viril.

Et ça ne t'intéresse plus de ressentir ça ?
Non, je ne veux plus ressentir ça. Parce que j'en ai assez. Quand j'étais petit, mon rêve était d'être un soldat de la Seconde Guerre Mondiale et d'aller me battre sur Omaha Beach. Et je me disais, ça doit être tellement génial, avec tous ces gens qui meurent autour de toi. Mais j'ai joué tellement de ces putain de jeux Seconde Guerre Mondiale... vingt ou trente, et je ne trouve plus ça génial du tout maintenant. J'ai dû aller sur Omaha Beach douze fois déjà. Pourquoi j'aurais encore envie d'y retourner ? Ce dont je parle se situe complètement à l'opposé du jeu vidéo classique parce qu'il nous faut un spectre complet d'émotions si l'on veut aller au-delà du public adulescent. Il ne faut pas que cette industrie termine comme celle du comic book américain, lue par une petite partie de la population seulement. On veut que le jeu vidéo devienne le prochain film. Tout le monde va au cinéma.

Tu ne penses pas que ce changement va venir naturellement, graduellement ?
Eh bien si tu es fainéant, tu peux te dire que oui, le changement va venir de toute façon, je peux continuer à jouer à mes jeux et foutre ma vie en l'air. Ou tu peux être militant et te dire, 'je veux faire partie de cette révolution pour des jeux vidéo différents, je veux être l'un de ceux qui vont poser les premières briques'. Et c'est ce que notre studio veut faire, créer de nouveaux jeux, générer de nouvelles émotions chez les joueurs... Même si c'est risqué mais ça plait à de nouveaux types de joueurs et c'est ça qui est important. Ce jeu que nous avions fait quand nous étions encore en fac, Cloud, avait beaucoup de fans, dont des gens de 50 ans. Je n'aurais jamais imaginé qu'ils puissent vouloir jouer à un jeu vidéo.

Qu'est-ce que tu penses de la Wii ?
Je pense que c'est une bonne machine. Le public de la Wii, c'est un peu cette génération de gens plus âgés qui ne pratique pas le jeu vidéo mais qui connait le tennis, le bowling... Nintendo arrive à les séduire mais, d'un autre côté, je n'ai pas l'impression qu'ils sont devenus des joueurs. Ils ne les ont pas convertis. Ils achètent la Wii parce qu'il y a Wii Sports ou Wii Fit dessus mais je ne les considère pas comme un nouveau marché pour nous. Regarde simplement le nombre de gens qui achètent des jeux pour la Wii. Donc je dirais que c'est une belle victoire pour Nintendo, mais pas tellement pour le reste de l'industrie.

Je te pose la question parce que beaucoup des thèmes dont tu parles - séduire de nouveaux joueurs, proposer des expériences différentes, les joueurs senior - sont également ceux de Nintendo.
Nous ne pourrions pas faire tourner Flower sur Wii. Techniquement, ça serait impossible.

Mais aimeriez-vous développer pour Wii ?

Oui. On a déjà discuté avec Nintendo et ils aimaient beaucoup Flower. Sony aussi aimait beaucoup Flower. On a juste choisi Sony. Ca ne veut pas dire que nous ne ferons pas un jeu pour Nintendo plus tard.

Avez-vous déjà des idées pour tirer parti des méthodes particulières de contrôle de la Wii ?
Bien sûr. Il y a toujours des idées. Les idées, c'est bon marché. Sérieusement. Très bon marché. Tout est dans la réalisation. On peut parler du film Spiderman, par exemple. C'est un film qui a reçu de très bonnes critiques et, pourtant, n'importe qui peut raconter l'histoire de Spiderman, Peter Parker, etc. L'important, ce n'est pas l'histoire mais comment elle est racontée. Je peux te dire que le concept de Flower est de jouer le rôle d'une fleur dans un champ. Il y a un millions de façons de créer un tel jeu. C'est un vrai travail d'équipe.

Quel est ton rôle dans cette équipe ?
Je suis responsable créatif. Donc je cherche des idées, je fais du game design, j'écris du code, je dessine des trucs... Mais je ne suis pas artiste, et je ne suis pas programmeur non plus ; il y a des gens dont c'est la tâche principale. Mon rôle est plutôt de canaliser le travail tout le monde en une vision cohérente.

Est-ce que c'est un jeu de Jenova Chen ou un jeu de thatgamecompany ?
Thatgamecompany bien sûr. J'ai toujours pensé que les réalisateurs de cinéma étaient surestimés. Steven Spielberg, par exemple, a son caméraman attitré, son monteur attitré, voire même son compositeur favori. C'est l'équipe Spielberg qui fait que ses films sont ce qu'ils sont. Mais les gens sont terribles avec les noms donc ils n'arrivent généralement à en retenir qu'un.


Dressant des parallèles avec l'histoire du cinéma, le designer voit dans la démocratisation des outils de développement et l'essor de la distribution numérique les composantes essentielles d'une diversification de la production jeu. La révolution est en marche.

Overgame : Qu'est-ce que cela fait d'être militant au sein du groupe Playstation ?
Jenova Chen : Les gens de chez Sony nous soutiennent beaucoup parce qu'ils veulent repousser les limites de ce que peut être un jeu vidéo. Et puis Everyday Shooter est aussi sur le Playstation Network, n'est-ce pas ? Il y a aussi eu Linger in Shadows, un produit de la demo scene que Sony a publié, et PixelJunk Eden... Tous ces jeux ont été créés avec des ambitions artistiques à la base. C'est la chose qui différencie le Playstation Network du Xbox Live, par exemple, bien que le Xbox Live se lance aussi dans l'indépendant avec des titres comme Braid ou N.

Il y a aussi eu LostWinds sur WiiWare.
Oui mais LostWinds a été créé par une équipe énorme, proche des 70 personnes.

Vraiment ? Je me souviens avoir lu David Braben [NDR : fondateur du studio Frontier Developments] dire que le jeu avait été réalisé par une petite équipe en trois mois.
Non, non, tu devrais faire des recherches. C'est un énorme studio, capable de développer plusieurs titres en parallèle. Peut-être que seule une partie de l'équipe a travaillé sur LostWinds mais ça n'a certainement pas pris trois mois à faire.

Est-ce que ça les rend moins "indépendants" ?
Ils sont indépendants. Valve est indépendant. "Indie" ou "indé" en tant que terme utilisé pour qualifier ce genre de jeux ne veut plus dire grand-chose. Par exemple, on pourrait dire que nous ne sommes pas indépendants puisque nous sommes sous contrat avec Sony. Mais ça ne veut pas dire que notre jeu n'est pas indépendant. Le débat jeu indépendant contre jeu commercial n'est pas très productif, c'est plus intéressant de se demander comment on va faire évoluer notre médium, comment on va amener tous ces gens qui ne jouent pas encore dans notre monde. Et on se trouve justement à un moment où publier un jeu indépendant sur une plateforme commerciale n'a jamais été aussi accessible. La technologie est là, la distribution numérique est là...

C'est juste une affaire de technologie selon toi ? Où est le désir du public dans tout ça ?
C'est les deux. Si tu dresses un parallèle avec l'histoire du cinéma, le jeu vidéo est actuellement un peu comme l'a été le film durant les années 70. A l'époque, réaliser un long-métrage était très coûteux, les caméras, les pellicules étaient chères ; le cinéma était la chasse gardée des grands studios, il était impossible pour une petite équipe de se lancer. Mais dans les années 80, les premiers caméscopes sont apparus, le coût de réalisation d'un film est devenu de moins en moins cher et c'est là que l'on a commencé à voir tous ces films indépendants arriver sur le marché. Certains d'entre eux se sont révélés des succès parce que les gens étaient prêts, et ça a permis à des genres et à des réalisateurs très différents d'émerger sur la scène grand public.

On ne serait alors qu'au début d'une espèce de révolution indé ?
Oui. Maintenant, tu peux créer un jeu avec un petit budget et des idées intéressantes tandis que les gros studios traînent derrière eux des budgets énormes ; ils ne sont pas très réactifs, ne peuvent pas se lancer dans des choses trop risquées... tout comme dans l'industrie du cinéma. Qu'est-ce qui précipite ce genre d'évolution ? La technologie ou le marché ? Je crois que tous les médias se développent suivant des modèles bien précis. Et ceux-ci ont tendance à se répéter.

Le public mûrit, mais les créateurs aussi...
Oui, et il y a aussi l'éducation. Prends Georges Lucas ou Steven Spielberg. Ces réalisateurs ont fait partie de la première génération d'étudiants en cinéma. Quand ils ont eu leur diplôme, les gens rigolaient. "Quoi, il y a un diplôme de cinéma ?" Mais ils ont fini par conquérir le monde. Moi, je suis un peu dans la même situation, je fais partie de la première génération de gens à étudier le jeu vidéo dans un cadre académique. Quand je fais des stages dans les grands studios, la plupart des game designers sont autodidactes. Ils ont juste beaucoup joué et ont développé une espèce d'instinct. Mais quand je leur parle, je me rends compte nous venons d'univers différents. Nous, étudiants, avons la théorie, le vocabulaire... et tout cela complémente les compétences traditionnelles plutôt que de les remplacer. C'est une génération de game designers complètement nouvelle qui sort de ces écoles.

Est-ce que thatgamecompany prévoit de s'agrandir ? Est-ce que tu voudrais toi aussi conquérir le monde ?
Pour grossir, il faut de l'expérience. Moi ? Je suis sorti de fac il n'y a pas très longtemps. La plus grosse équipe avec laquelle j'ai travaillé faisait cinq personnes. Gérer une équipe de cinq ne veut pas dire que tu saurais gérer une équipe de quinze. J'ai encore beaucoup de chemin à faire. Et je pense que tu ne peux jamais être le roi. Déjà maintenant, je vois une génération plus jeune, mieux éduquée, qui a passé plus de temps à jouer... Je ne suis pas né avec les jeux vidéo. Et autour de moi, je vois tous ces jeunes implémenter des idées de game design meilleures que les miennes. Je ne crois pas que je puisse les surpasser. Tout ce que je peux faire est créer des jeux qui vont servir d'inspiration à cette nouvelle génération, afin qu'ils puissent se reposer sur notre travail et continuer à faire avancer le jeu vidéo.


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/me espère que thatgamecompany confirmera avec son prochain jeu qu'il est un studio sur lequel il faut compter.

Billet posté le 6 Mars 2009

mardi 3 mars 2009

[TEST] Je suis un pétale ! Je suis une Flower !!



Avant de s'attaquer au jeu en lui-même, attardons nous un petit peu sur ses créateurs et géniteurs, les gens de chez thatgamecompany (le descriptif qui suit est une traduction du "About" du site officiel). Il s'agit d'une société fondée au printemps 2006 par Jenova Chen et Kellee Santiago, deux diplômés du programme "Interactive Media MFA" de l'Université de Californie du Sud. Ils ont travaillé sur de nombreux projets, dont le jeu/projet étudiant "Cloud" qui a été à de nombreuses reprises récompensé, et ont décidé de continuer à travailler ensemble sur de petits jeux expérimentaux en formant un studio de développement qui se focaliserait sur ces projets.

Le but de TGC (thatgamecompany) est de faire des jeux vidéo qui apportent des émotions et une expérience que tous les autres jeux vidéo disponibles actuellement sur le marché n'apportent pas. Ils encouragent ainsi l'innovation et l'expérimentation et ils espèrent que leurs jeux pourront toucher une audience jusque là rester à l'écart du jeu vidéo.

Pour eux, leurs jeux sont des "core games" (difficile à traduire, on pourrait dire des jeux "centraux", "au coeur"). Ces jeux ne s'adressent pas qu'aux joueurs purs et durs ou qu'aux joueurs occasionnels mais sont considérés par TGC comme une passerelle vers les joueurs en sommeil ou même pour les non-joueurs. Ces jeux peuvent atteindre leur cible car ils sont plus faciles à prendre en main et qu'ils sont moins chronophages tout en procurant des expériences interactives et en étant émotionnellement riches.




TGC a déjà travaillé sur le jeu flOw, sorti sur le PSN pour la PS3 et la PSP. Sous contrat avec Sony Interactive Studios America qui lui a commandé trois jeux, voilà que le deuxième, Flower, a montré le bout de son pétale de fleur sur PS3 et toujours via le PSN le 12 Février dernier pour la modique somme de 7,99 EUR.

N'ayant pas mis la main sur Flow, je ne peux pas dire que j'ai acheté ce jeu en connaissant le studio et que je l'ai fait les yeux fermés. En fait, c'est grâce au test fait par JulienC sur Gameblog (et la réévaluation de la note du test) que j'ai sauté le pas.

Alors, nous ne pouvons pas parler ici de jeu vidéo au sens traditionnel du terme. Pour moi, et pour beaucoup de gens, il s'agit avant tout d'une expérience, une expérience nouvelle qui se vit Sixaxis en main. Tout d'abord, il faut noter que vos seuls contrôles seront les mouvements que vous donnerez à votre manette et qui serviront à donner la direction que prendra votre pétale de fleur et un bouton (celui de votre choix, mais préférez une gâchette qui apporte une plus grande précision) pour la vitesse du vent. Car voilà, ce "jeu" vous fait incarner un pétale de fleur poussé par les vents, pétale de fleur qui fait éclore toutes les fleurs qu'ils touchent et bien plus encore.

L'aventure commence de manière un peu inattendue puisque vous êtes dans un appartement. Une plante trône sur une table mais est loin d'être guillerette... Cet appartement sera en fait le "hub" du jeu, l'endroit où vous retournerez après avoir fini chaque niveau, chaque niveau étant représenté par une plante différente. Et à la fin de chaque niveau, votre/vos plante/s aura repris des forces. Mais voilà, Flower ne consiste pas uniquement à remettre en état des fleurs... Oh non ! Chaque fleur est un prétexte à l'évasion. D'ailleurs, on peut interpréter chaque niveau comme le rêve de la fleur (le fondu fait au moment de la sélection du niveau peut le laisser penser en tout cas), fleur qui a besoin de se ressourcer et de retrouver la nature lointaine qu'elle ne voit plus depuis qu'elle est dans un pot. Mais non, ça ne suffit toujours pas à résumer Flower.

Vous êtes ce pétale de fleur, vous redonnez la vie autour de vous et les deux premiers niveaux sont bucoliques à souhait et sont vraiment des niveaux très zen et très détendus et on prend réellement plaisir à virevolter et à faire fleurir tout ce qui traîne. Mais Flower, c'est aussi cette sensation et ces émotions ressenties. Comme dit, les deux premiers niveaux sont remplis de joie de vivre et de béatitude mais cela change au fil des niveaux et les émotions que l'on ressent change alors... Flower joue avec nos émotions d'une manière incroyable et réussit le tour de force de nous amener là où on ne l'aurait pas penser.

Loin d'être aussi simplet que l'on pourrait le penser, Flower communique également un message qui vous arrive en pleine poire sans que vous n'ayez rien demandé. Je me suis réellement laissé prendre par ce conte (voilà qui définirait assez bien Flower en fait, un conte vidéo) et j'en suis ressorti changé comme si, enfin, le jeu vidéo pouvait être autre chose.


Que dire de Flower si ce n'est que c'est une expérience tellement inhabituelle qu'on ne peut que se laisser happer par ce coup d'audace et de génie. Bien sûr, tout le monde n'est pas d'accord avec ça et on trouve ici ou là des extrémistes qui hurlent à l'arnaque. Mais comme dit ma grand-mère : "Les égouts et les odeurs...". Si vous êtes ouvert et prêt à faire le plongeon dans un univers nouveau, Flower est fait pour vous. Ne vous attendez pas à jouer mais préparez à vous à vivre quelque chose de différent. Vous reviendrez d'ailleurs le butiner souvent, car oui il peut se finir très vite mais il est si magique que l'on y retourne avec le sourire, et là, tout est dit.


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/me est tombé en amour de Flower.


Billet posté le 3 Mars 2009